TDAH : le dessin et la peinture pour mieux se comprendre.

À travers son parcours artistique et son diagnostic tardif, Jérémy Piquet a transformé son expérience du TDAH en une source de création et de partage. Dans cette interview, il revient sur la genèse de son livre Un TDAH pas comme les autres et nous livre un regard intime sur son cheminement personnel et artistique.
Bonjour Jérémy, peux-tu te présenter rapidement ?
Je suis Jérémy Piquet, originaire du Nord de la France, artiste et auteur du livre Un TDAH pas comme les autres. Après sept années de formation en Arts Plastiques à l’Institut Saint-Luc en Belgique, j’ai décidé de vivre mon rêve : devenir artiste peintre. Mon parcours artistique est marqué par une recherche constante de vérité intérieure et d’expression personnelle. Après 25 ans de création, j’ai ressenti le besoin de me recentrer sur ma démarche artistique, ce qui m’a conduit à explorer plus en profondeur mon propre fonctionnement. C’est après un diagnostic de TDAH et HPI que j’ai mieux compris qui je suis.
Qu’est-ce qui t’a amené à réaliser ton livre Un TDAH pas comme les autres ?
La prise de conscience de mon TDAH à 39 ans a été un élément déterminant. En cherchant des informations sur ce trouble, je me suis vite heurté à des ouvrages trop complexes. J’ai alors ressenti le besoin de créer un support visuel capable d’expliquer le TDAH de manière simple et percutante. Mon livre est né de cette volonté de transmettre un message clair et accessible à tous, à travers 40 illustrations symbolisant les différents symptômes du TDAH. 20 symptômes positifs et 20 négatifs afin montrer les qualités et les défauts.

Peux-tu nous raconter la genèse du livre ?
Ce projet s’est déroulé sur plusieurs années. J’ai commencé par les dessins, car ils me permettaient d’exprimer directement ce que je ressentais. Au début, je ne pensais même pas écrire un livre. Je voulais simplement réaliser une série de dessins sur le TDAH et les exposer dans des galeries, comme je le fais depuis des années. J’avais comme base une liste de 40 symptômes et, à force d’en dessiner, je me suis lancé le défi de tous les illustrer.
Puis, avec le temps et l’accumulation des dessins, l’idée de faire un livre est née. Cela signifiait coloriser certaines illustrations pour rendre l’ouvrage plus attrayant et écrire des textes explicatifs accompagnant chaque dessin. Cela a été un véritable défi étant donné mes difficultés de concentration et ma dyslexie. Je n’avais jamais écrit auparavant, et cela a été très complexe pour moi, car je voulais absolument expliquer brièvement chaque symptôme et son lien avec mon dessin, en seulement 3 ou 4 phrases. Contrairement aux nombreux ouvrages scientifiques sur le TDAH, je ne souhaitais pas proposer de longs textes, mais plutôt me concentrer sur les illustrations afin d’en faire un livre d’art.
Comment as-tu vécu avec ton TDAH, de l’enfance à aujourd’hui ? L’as-tu accepté naturellement ou as-tu dû faire un gros travail sur toi-même pour y parvenir ? As-tu été aidé ?
Vivre avec un TDAH sans le savoir a été très difficile. Dans les années 80, les mentalités étaient différentes et le TDAH était méconnu dans mon entourage. Cela se résumait à : un enfant hyperactif était perçu comme mal élevé. Si j’étais trop bruyant, volubile ou énergique, je me faisais disputer et j’ai finalement appris à tout garder à l’intérieur de moi.
Quand j’ai essayé de m’exprimer sur ce que je trouvais bizarre en moi — mes pensées foisonnantes, mon manque de concentration et la lutte constante contre les distractions — mon entourage et les médecins me disaient que c’était normal, que « tout le monde pense beaucoup ». Mais au fond de moi, je sentais que je n’étais pas dans la norme. Mon esprit en ébullition et ma concentration fuyante me donnaient souvent l’impression d’être étranger aux autres et à moi-même.
L’acceptation de mon TDAH n’a pas été immédiate ; il m’a fallu du temps et beaucoup d’introspection pour le comprendre. Le diagnostic à 39 ans a été une véritable révélation qui m’a permis de mieux appréhender mon fonctionnement et de développer des stratégies adaptées. Aujourd’hui, les médicaments ne m’aident pas et je consulte une spécialiste qui m’apprend à vivre avec mon TDAH.

Quelle place le dessin a-t-il pris dans ta vie ? Est-ce un moyen d’accompagner ton TDAH ou un pur plaisir créatif ?
Le dessin est un véritable exutoire pour moi, c’est toute ma vie. Je suis passionné par la création sous toutes ses formes. Bien plus qu’un simple plaisir, c’est mon mode d’expression. Il me permet d’exprimer mes pensées joyeuses ou chaotiques et de canaliser mon énergie créative. Mon projet d’illustrer le TDAH et d’en faire un livre a été pour moi une forme d’art-thérapie, et j’ai ressenti un immense bien-être en le réalisant, comme le sentiment d’être enfin à ma place.
Le fait d’avoir choisi l’escargot montre sans doute une vision plus orientée sur la fragilité que sur le dynamisme et l’énergie débordante d’une personne avec TDAH. Tes troubles t’ont-ils plutôt freiné ou, au contraire, dynamisé positivement dans ta vie personnelle ou professionnelle ?
J’ai choisi l’escargot pour incarner le TDAH. Cet animal fragile mais persévérant symbolise l’équilibre entre vulnérabilité et force. Sa coquille représente notre monde intérieur, souvent agité, tandis que la spirale évoque l’infini, une métaphore des pensées qui tournent sans cesse. L’escargot avance lentement, mais il avance toujours, à l’image de ceux qui, malgré les distractions, poursuivent leur chemin sans relâche.
Le TDAH touche aussi bien les femmes que les hommes, et l’escargot, par sa nature hermaphrodite, permet à chacun de s’y identifier facilement.
Comme je le disais précédemment, j’ai souvent dû garder mes émotions à l’intérieur de moi-même, et les gens ne voyaient que ce que je reflétais en surface. Je trouve que la symbolique de l’escargot représente bien tout cela.
Bien que mon TDAH m’ait souvent freiné, il m’a également doté d’une grande créativité et d’une capacité à improviser qui se sont révélées positives dans mon parcours artistique.

As-tu des stratégies personnelles pour gérer les difficultés liées au TDAH dans ton quotidien ?
Oui, j’ai développé plusieurs stratégies au fil du temps. La pratique artistique reste mon principal moyen de canaliser mes pensées. Je m’appuie aussi sur des méthodes d’organisation visuelles, comme les tableaux et les listes, qui m’aident à structurer mes idées et à mieux gérer mon temps. J’ai des post-it, des notices, des petits dessins et des horloges un peu partout chez moi.
As-tu de nouveaux projets liés au dessin en cours ?
Oui, je prévois de développer une nouvelle série de peinture mettant en avant les stratégies positives et les outils du quotidien qui peuvent aider les personnes avec un TDAH. De plus, la traduction de mon livre en anglais est en préparation pour 2025, ce qui permettra de toucher un public encore plus large. Je souhaite après des années à dessiner sur papier, revenir à la peinture, reprendre mes pinceaux pour créer de nouvelles toiles et continuer à sensibiliser au TDAH et partager à travers mon travail.
Merci Jérémy d’avoir répondu à nos questions.
Vous trouverez le livre de Jérémy sur sa boutique DOMOUK: https://domouk.com/490-un-tdah-pas-comme-les-autres.html