L’évasion selon David Lory

Illustrateur et motion designer, David Lory aime raconter des histoires à travers l’image. Originaire des Pays de la Loire et installé près de Fontainebleau, il partage son temps entre création graphique pour les médias et projets plus personnels.
Son dernier livre, Les mémoires extraordinaires de Harry Houdini, mêle dessin, récit et atmosphère d’époque pour redonner vie au célèbre illusionniste américain.
Chez lui, chaque projet naît d’une curiosité sincère pour les images, la narration et le mystère des vies hors du commun. Rencontre avec un artiste pour qui le regard reste le premier outil de l’imagination.
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes (d’où venez-vous ? Quel est votre activité professionnelle principale ? etc …)
Je m’appelle David Lory et je suis illustrateur et motion designer pour l’AFP, la plus grande agence de presse en Europe. Je suis originaire des Pays de la Loire, mais vis depuis plusieurs années à proximité de Fontainebleau. Et j’ai sorti dernièrement ce livre illustré en édition collector qui s’intitule “Les mémoires extraordinaires de Harry Houdini” dont je suis plutôt fier du résultat.
Vous avez commencé par créer des bandes dessinées à l’adolescence puis des courts métrages. Quels étaient vos premiers thèmes, vos premières influences ?
Depuis enfant, je suis attaché aux grandes aventures, aux histoires à rebondissements, celles qui se passent au bout du monde ou à une autre époque. J’inventais mes propres histoires et réalisais des bandes dessinées artisanales avec mes crayons de couleur, mais à l’adolescence le cinéma a pris le pas sur la bande dessinée. J’ai dévoré une quantité folle de films, principalement avec le format VHS. J’étais fasciné par la narration, bien sûr, mais aussi par le “plan” en lui-même : le cadrage, la lumière qui éclaire le décor, les mouvements de caméra. Stanley Kubrick, Sergio Leone, Martin Scorsese, Steven Spielberg et bien d’autres m’envoûtaient. J’ai donc poursuivi mes études à Paris pour en apprendre davantage sur le cinéma, mais aussi la peinture et la photographie, auprès d’intervenants dans une école. Je réalise aujourd’hui des films courts en 3D pour les médias et poursuis mon envie d’aventures au travers de livres que j’écris et illustre.

Avez-vous d’abord une histoire en tête que vous illustrez ensuite, ou les images précèdent-elles parfois le texte ?
À la naissance d’un livre, il y a pour moi, une ambiance à recréer, une époque. Dans le cas de mon livre sur Houdini, c’était l’Amérique de la fin du 19e et début du 20e. Ensuite me vient une intrigue, une histoire à raconter suffisamment forte pour tenir en haleine le lecteur, mais aussi moi-même, car la production d’un livre me prend plusieurs années. À partir de là, j’ai souvent des idées de plans qui me viennent et que je griffonne très simplement sur des bouts de papier. Je compose un petit dessin avec un éclairage et des valeurs de plans pour rendre une image puissante graphiquement, lisible et émotionnelle. Puis viennent les recherches, l’écriture et le storyboard. Pour Houdini, j’ai d’abord écrit et illustré les premiers chapitres pour voir si ça tenait la route, avant de retourner à l’écriture pour terminer l’histoire.
Quels illustrateurs ou auteurs de bande dessinée vous inspirent le plus aujourd’hui ?
Je serais toujours fidèle à mes trois aventuriers préférés : Tintin (Hergé), Corto Maltese (Hugo Pratt) et Blueberry (Jean Giraud) : les trois sont dessinés d’une manière différente, mais ils ont en commun une simplicité de trait ultra-efficace. J’ai des grands formats de Blueberry en taille réelle, c’est tellement beau ce travail de pinceau.
Mais pour Houdini, mon influence graphique était plus vintage. J’adore les peintres illustrateurs américains de la première moitié du 20e siècle : Norman Rockwell, Dean Cornwell, J.C. Leyendecker, Tom Lovell… Ce sont vraiment les peintres dont je voulais me rapprocher. Je ne voulais pas de cerné noir comme en bande dessinée. Je voulais que ça ressemble à des peintures américaines de l’époque. Et enfin, pour la narration, il y a trois auteurs qui m’inspirent plus que les autres, ce sont Alejandro Jodorowsky, Alan Moore et Ken Follett, qui parviennent toujours à surprendre le lecteur malgré les millions de livres déjà parus depuis l’antiquité.

Vous collaborez aussi avec Le Monde et l’AFP : qu’apporte ce travail journalistique à vos créations plus personnelles ?
Le travail est un peu différent, mais je retrouve le même intérêt pour les recherches de sources et de documentation, la compréhension des mécanismes : pourquoi un personnage réagit comme cela ? Parce que dans le passé, il a vécu telle ou telle expérience. J’aime cette phase de recherche et de compréhension qui donne des clés pour mieux imaginer ou expliquer les choses. Et au-delà de ça, graphiquement, lorsque j’aborde un nouveau sujet, je m’autorise à découvrir de nouveaux styles, de nouvelles techniques. C’est un vrai terrain de jeu pour la liberté et l’expérimentation.
Pourquoi avoir choisi Houdini comme sujet ?
Je voulais raconter un biopic parce que j’aime ce genre, mais aussi parce qu’il me propose une base de travail pour me lancer, du moment que la vie à raconter est intéressante. Je n’avais pas à partir de zéro. L’inconvénient, c’est qu’on ne peut pas trop s’écarter des faits. Comme j’aime l’époque, les décors et les mystères, j’ai commencé à m’intéresser à Houdini. Je me suis alors rendu compte que je ne connaissais strictement rien de lui. En me renseignant, il s’est avéré qu’il avait eu une vie trépidante et bien remplie. Le choix était parfait pour moi, d’autant plus que je ne dois pas être le seul à le connaître de nom sans pouvoir évoquer sa vie.

Selon vous, qu’est-ce qui rend Houdini encore si fascinant plus d’un siècle après ses exploits ?
C’est un pionnier et comme tous les pionniers, il a sa place dans les livres d’histoire. C’est le premier show man à sortir le public des petites salles de théâtres pour faire des représentations dans la rue, devant des milliers et des milliers de personnes. Aujourd’hui, on remplit des stades. C’est aussi un des premiers à utiliser le marketing comme caisse de résonance pour ses spectacles. Et ses exploits dans lesquels il frôlait la mort constamment font de lui une personnalité hors du commun.
Comment travaillez-vous concrètement : carnet de croquis, story-board, écriture en parallèle ?
À la fin de mon roman illustré, j’ai tenu à y glisser 8 pages de making of qui racontent les coulisses de toute la fabrication de mon livre, qui a duré plusieurs années. J’ai lu de nombreux récits, dont certains écrits par Houdini lui-même. J’ai visionné de nombreux documentaires et je suis tombé sur une mine d’informations sur le web. Un blog géré par un passionné qui m’a fourni de nombreux détails : wildabouthoudini.com
Pour ce livre, mon process a été de commencer l’écriture des premiers chapitres et de les illustrer plutôt que de faire un storyboard entier en une seule fois. Pas sûr que ce soit la méthode la plus efficace, mais c’est le sentier tortueux que j’ai emprunté. Sans compter que j’avais commencé à peindre les premières illustrations à l’huile, sur de grandes toiles, comme les illustres peintres américains que j’affectionne. Les peintures étaient belles, mais le projet m’aurait pris dix ans, donc j’ai préféré recommencer sur Photoshop avec des brosses simulant les effets de pinceau.

Après Houdini, aimeriez-vous raconter la vie d’autres grandes figures historiques ou mythiques ?
J’avais pour idée de réaliser un triptyque : Harry HOUDINI, Jean-Eugène ROBERT HOUDIN (pionnier Français de la magie et des automates) et Georges MÉLIÈS (le roi des effets spéciaux à l’âge du cinéma muet). Un jour peut-être, ce projet verra le jour. Aujourd’hui, j’écris une histoire qui se déroule au Moyen-Âge, et qui me permet d’exploiter toute mon imagination puisque je n’ai pas à respecter de vie existante. Et je pratique toujours de la peinture à l’huile, beaucoup de portraits…
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Merci David d’avoir répondu à notre interview.
Retrouvez le livre de David Lory, -Les mémoires extraordinaires de Harry Houdini- sur DOMOUK: https://domouk.com/663-les-memoires-extraordinaires-de-harry-houdini.html
Et retrouver les actualités de David Lory sur son site: www.davidlory.com
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