Les Explocréateurs : quand texte, image et son inventent un imaginaire commun

Le 11 juin, 2025 — autoédition, beaulivre, éditionindépendante, emmanuelquentin, explocréateurs, illustration, sciencefiction, sf, sloban - 13 minutes de lecture
banniere02

Entre ruines futuristes, silences habités et rebonds créatifs, le collectif Les Explocréateurs — formé par Emmanuel Régis, Pascal Casolari et Emmanuel Quentin — conçoit des œuvres hybrides où le récit s’incarne autant dans l’écrit que dans l’ambiance sonore et l’image. À l’occasion de la sortie de Sloban, le mystère Cruvire, ils reviennent sur leur processus organique, leur amour partagé pour la science-fiction et leur manière bien à eux d’explorer l’imaginaire.

Le livre est un “trois en un” : texte, images, son. Quelle a été la première brique du projet ? Aviez-vous dès le départ en tête un format hybride texte/son/image, ou cela s’est-il imposé au fil du temps ?


Tout a débuté de l’envie d’Emmanuel RÉGIS (cf. Manu) et Pascal CASOLARI.

Dans les années 1990, nous avons travaillé et nous nous sommes énormément amusés pour la création de jeux vidéo. Tout était à créer dans l’entreprise Infogrames (Lyon).

Ainsi, en 2017, lors d’une visite à la Cité Du Design de Saint Etienne, dehors, dans un mois frais de début de printemps, au soleil et autour d’un café, nous avons eu envie de collaborer à nouveau ensemble: c’était parti !

En tant que peintre, pour Pascal, il était évident que le projet porterait sur les ruines. Ces dernières sont incontournables dans cet art pictural.

Emmanuel voulait revenir aux ambiances sonores.

La science-fiction nous réunissait également.

Cette même année, Pascal illustre la première de couverture du roman “Où s’imposent les silences” d’Emmanuel QUENTIN. 

On avait l’image et le son, en 2018, Emmanuel QUENTIN nous rejoint pour ajouter le texte.

Tout cet alignement de planètes s’est réalisé de façon organique, sans réel plan, juste à partir des lois de l’univers !

Quelle place laissez-vous au hasard ou à l’accident dans votre processus de création ?


Nous réalisons des expositions, le hasard donc utilisera du texte, de l’image et du son sur des planètes en ruines et dans un futur de science-fiction.

Souvent ça débute de la création d’un dessin ou d’un début de texte qui vont donner l’inspiration aux uns et aux autres.

Puis de rebond créatif en rebond quelque chose se consolide.

Généralement, le son arrive en cours des rebonds et il peut réalimenter la création visuelle et le texte.

Pour une liberté de création, on n’impose rien aux autres et ça s’ajuste naturellement entre nous par les rebonds créatifs.

Pour une liberté de création, on n’impose rien aux autres et ça s’ajuste naturellement entre nous par les rebonds créatifs.

Il faut savoir que le visuel et le son peuvent interpréter le texte et donc ne pas y rester fidèle.

Le hasard peut alors devenir interprétation pour continuer le mouvement créatif.

D’après Manu, la création d’une ambiance sonore offre une importante latitude de créativité car intrinsèquement, le son permet une abstraction très forte.

Emmanuel QUENTIN précise:
Même s’il y a souvent une image avant le texte, le hasard a toute sa place. Je ne fais jamais de plan des nouvelles que j’écris dans le cadre des Explocréateurs. J’avance selon ce que m’a inspiré le tableau de Pascal qui suscite toujours une ambiance, de laquelle découle plusieurs éléments constitutifs du récit. Mais à part ça, j’aime me laisser surprendre, et c’est bien souvent le cas. Certains éléments qui surgissent sont à même de m’emmener vers des horizons que j’ignorais. Et ça, pour moi, c’est une vraie source de plaisir dans l’écriture, cette faculté de se laisser surprendre par le hasard, l’accident, l’improbable 🙂

Comment le fait d’avoir un “bac à sable” créatif sans que ce soit une commande extérieure a-t-il transformé votre manière de travailler ?


On a toujours travaillé comme ça même pour des commandes extérieures. Les clients nous font confiance, ils viennent acheter la typologie “Les Explocréateurs”. Une sorte de marque de fabrique.

ProjetRUINES ScenographyViewCubeFlat
Projet RUINES- Scénographie

Comment s’est passée la collaboration entre vous ?


Sans commande, chacun alimente notre fil de discussion ou notre Carnet De Bord commun. Il n’y a pas alors de forte activité sur le fil de discussion.
Dès lors que l’on se décide à réaliser une exposition personnelle ou si on nous en commande une, alors ça fuse sur le fil et les Drive se remplissent de créations. A ce moment, il y a énormément d’aller-retours. La blague est souvent: “Tiens on a perdu Pascal car il lit un message sur deux, ha ! ha !”. Bon, à ce moment Manu appelle Pascal et Emmanuel. C’ est le lien audio (sans jeu de mots ;).

Pascal, on sent une influence graphique très forte (druillet, moebius, SF des années 70). Peux-tu nous parler de tes références visuelles ?

Pour ma part, lors de mes années d’étudiant, j’ai découvert la littérature de Science Fiction ou de fantastique, par la couverture. La couverture à été un appel et une porte d’entrée pour découvrir les auteurs. Il n’y avait que peu de revues dans des petites boutiques spécialisée. Il est vrai que Fuide Glacial, Métal Hurlant, Starfix.. étaient aussi nos guides vers l’imaginaire.

A l’époque, Caza, Moebieus, Druillet, Bilal, Siudmack, Vallejo et Frazzetta étaient les illustrateurs phares qui produisaient les couvertures de livres de l’époque. Pour ma part je suis tombé dans la littérature par les images produites par ses personnes de talent. J’ai découvert Asimov, Vogt, Lovecraft, Bradbury,Vance, Clarck, Dick, Verne, Herbert, Huxley, Tolkien….

1741439580913
Peinture à l’huile-Pascal Casolari-

Je n’en croyais pas mon cerveau tant de mondes inventés, tant d’univers et d’ailleurs. Cela a développé mon imaginaire et m’a généré des milliers d’images, à la fois pleines de couleurs et de lumières mais aussi des parties dans l’ombre stagnante.

L’éclairage, la lumière est pour moi quelque chose de fondamentale.

D’un autre côté je suis passionné depuis toujours par la peinture et l’illustration. Les grands peintres comme Léonard de Vinci, Rembrandt, Goya, Rubens, Manet, Monet, Sysley, Van Gogh, Gustave Doré, Toppi, Berni Wrightson mais aussi le cinéma et tous les films de science-fiction et fantastique mon accompagnés et continu à m’accompagner comme de véritables amis de toujours.

Je voulais aussi acquérir un savoir faire proche des artisans c’est pour cela que je me suis tourné vers l’école des beaux arts en apprenant l’anatomie, la gravure, la photo argentique, la sculpture, les différentes techniques de dessin et de peinture…. Mais aussi l’histoire des arts…Tout un monde s’ouvrait à moi, cette passion ne m’a jamais quitté.,

C’est en partie pour cela que je suis dans l’Entertainment et la production d’image et l’imaginaire est présent en moi aujourd’hui et depuis toujours.

ProjetRUINES Paint Ruine003 V2.0
Peinture à l’huile-Pascal Casolari

Emmanuel Quentin , quelles sont tes influences en littérature fantastique, sf ?

Mes influences sont tellement multiples ! C’est une question, je m’en rends compte à laquelle il est difficile de répondre, finalement. Sans doute parce qu’on ne mesure pas combien toutes les influences se combinent, sans même que l’on s’en aperçoive parfois. En y réfléchissant tout de même, je crois que mon intérêt pour le fantastique et la SF, l’Imaginaire en général, remonte à mon enfance. J’ai grandi dans les années 80 qui ont été extrêmement riches, ça été une véritable explosion en terme de contenu culturel. Je n’aimais pas lire à l’époque, en revanche je passais un temps fou devant la télé. C’est là que j’ai découvert Ulysse 31, Jayce et les Conquérants de la lumière, Spectroman, San Ku Kaï, X-OR, les Cosmocats et tant d’autres… C’est aussi à cette période, ou pas loin, que j’ai découvert l’émission Temps X présentée par les frères Bogdanov, où était diffusée La Quatrième dimension (cette série, je la cite souvent, mais elle a pour moi été un véritable choc, et a laissé une empreinte durable sur mon imagination). Puis l’adolescence a pointé le bout de son nez, et je me suis enfin intéressé aux livres ! Tout était bon à lire pour moi, peu importait le genre. Je suis devenu un vrai boulimique de lecture.  J’ai ensuite découvert l’ouvrage de Loris Murail Les Maîtres de la Science-Fiction dans la collection Compacts chez Bordas. Et là, là j’ai fait toute ma culture dans le domaine des littératures de l’Imaginaire. Je notais les titres, les auteurs, me faisais tout un planning de lecture. J’ai ainsi pu lire des classiques, mais aussi des auteurs plus contemporains qui m’ont accompagné dans la découverte du genre… et qui, eux aussi, ont laissé leur empreinte.  

Emmanuel Régis, Créer la bande-son d’un “silence” : ça paraît paradoxal. Comment as-tu relevé ce défi ?


Je pense que tu parles de la bande son du livre Mutrae, voici le lien pour son écoute: https://emmanuelregis.bandcamp.com/album/mutr
Le coquin d’Emmanuel a écrit une histoire sur une planète particulièrement silencieuse. La difficulté était de garder cette intention. Je suis donc parti des silences et je les ai habillés de sons pour appuyer les silences. Également, j’ai imaginé que le silence n’a pas la même signification pour tout en chacun.e.

Ainsi, sur la planète où Mutrae s’échoue, par les montagnes gigantesques, règne un fond sonore. Il est discret mais bien présent. J’ai aussi imaginé que le silence pourrait être des sons improbables qui peuvent être purement synthétiques. Encore et encore, l’imaginaire permet de sortir du cadre ou de bonifier une intention, ici le silence.

Parlez-nous de la réalisation concrète, et la fabrication physique du projet. Quelles ont été les étapes, les difficultés rencontrées et comment les avez-vous surmontées ?


Sachant que le projet est sans enjeux, les étapes sont venues sans les pousser et même sans les connaître. C’est venu en fonction des besoins. Comme avoir un nom comme un groupe:  “Les Explocréateurs”. Ou encore, monter une association pour facturer.

ProjetRUINES ScenographieCubeRelief
Projet RUINES – Scénographie-Cube Relief

Puis au fil des expositions, on a acheté pour de la scénographie ou tester des impressions. Le besoin et la curiosité sont le moteur.

Les difficultés sont sur une incompréhension mutuelle où là il faut s’appeler pour s’ajuster sur des intentions.

Comme chaque personne a d’autres priorités hors du collectif, Manu qui gère “Les Explocréateurs” a parfois du mal à faire avancer les projets. Lors de l’élaboration du livre Mutrae, il y avait un cofinancement participatif et il fallait tenir le rythme de la campagne. Il y a une anecdote, où il se donnait du mal à faire avancer ses deux compères. Et dans le fil de discussion où ils échangeaient, Pascal et Emmanuel expliquaient que ce n’était pas cool de faire galérer Manu ! Entre eux, ils échangeaient dans le fil de message en message et en toute transparence avec empathie qu’ils se sentaient “coupables”. Et Manu voyait tout ça avec un certain sourire tendre. Mais il râlait quand même car ça discutait mais l’avancement n’était pas au rdv ;).

On essaye donc d’être le plus vrai et transparent possible pour surmonter des difficultés qui sont juste des soucis de compréhensions mutuelles. Le reste ça fonctionne sans heurt et c’est top !

Si vous deviez décrire votre trio créatif comme une entité vivante, à quoi ressemblerait-elle ?

Oula, oups, bonne question, on va laisser la parole à chacun:

Manu: un poulpe multicolore car il a de nombreux bras utiles à la création et à l’adaptation des situations. Il se déplace avec grâce et se fond dans les environnements. Il a un côté mystérieux avec son intelligence particulière. Il semble anodin et pourtant !

Emmanuel: Je reste dans le règne animal avec l’araignée : nous tissons la toile de nos créations tout en maintenant une sorte d’équilibre pour mieux avancer, encore et encore .

Pascal: Pour ma part, une cellule, très petite, discrète mais solide, en mouvement, en perpétuelle construction, adaptative et régénérative et en lien directe avec la nature, imaginative aussi s’adaptant et pouvant se démultipliée rapidement.

image
Illustration numérique- Pascal Casolari

En mars 2025, sur trois semaines, vous avez exposé pour le festival des cultures de l’imaginaire, Les Oniriques (Meyzieu, France). Pour l’occasion, vous avez édité le livre “Sloban, le mystère Cruvire”. Quelles en sont les spécificités ?


À la lecture de la nouvelle d’Emmanuel QUENTIN, vous suivez l’histoire de Sloban, le personnage central. Il est accompagné de robots et d’humanoïdes avec de forts caractères sur un monde hostile ! Les visuels de Pascal CASOLARI vous font plonger au cœur de la planète Cruvire avec sa faune et sa flore qui sont adaptés à la température extrêmement basse.

Dans ce livre augmenté, le lecteur peut utiliser l’appareil photo de son téléphone mobile pour flasher un QR Code.
Alors, plusieurs possibilités lui seront alors proposées :
1. Lire chaque chapitre tout en écoutant son ambiance sonore.
2. Écouter la lecture de chaque chapitre bruité tout en admirant les visuels.
3. Lire et apprécier les visuels tout en écoutant une des deux ambiances sonores de la planète Cruvire.
4. Profiter de la réalité augmentée sur certains visuels. C’est Adeline LAFONT (linkedin.com/in/adeline-lafont3d) qui intervient à nouveau sur la création des vidéos pour la réalité augmentée.

L’album des ambiances sonores est disponible sur la plateforme Bandcamp des indépendants de musique, sur le profil d’Emmanuel Régis: https://emmanuelregis.bandcamp.com/album/cruvire-planet 

Merci à l’équipe des Explocréateurs d’avoir répondu à nos questions.

Vous pouvez retrouver à la vente sur DOMOUK le livre Sloban le mystère cruvire ici: https://domouk.com/599-sloban-le-mystere-cruvire.html 

Joubert Vincent

Voir les publications de l'auteur

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre commentaire sera révisé par les administrateurs si besoin.